Alpha Condé en voie de régression ? (par Gandhi)

Publié le par Gandhi

BARRY_Haroun_Gandhi_01  Alpha Condé en voie de régression ? (partie 1)

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

     On croyait avoir tout vu avec le président du RPG, on en était loin. Sa dernière sortie devant la presse sénégalaise est non seulement décevante, mais par ailleurs indigne d'un chef d'État, voire dangereuse pour l'unité nationale. L'histoire se répète avec les vrais/faux coups d'État et les complots ourdis de l'extérieur.

 

Alpha Condé n'a aucun bilan concret à présenter depuis 10 mois (déjà !), et les seules promesses qu'il évoque, ce sont les projets chinois qui n'ont aucune chance d'aboutir dans les conditions actuelles. La seule explication à ses déboires, qu'aucun membre du gouvernement ne reconnaît (il suffit de regarder la RTG), mais que tout le monde constate, est donnée par des soi-disant saboteurs. Mais pour saboter, encore faudrait-il que des mesures existent, susceptibles d'être torpillées. Or il ne se passe rien d'autre que la volonté de déstabiliser ses adversaires, souvent matérialisés par la communauté peule. Même si on prend soin parfois, de ne pas les nommer directement, et d'utiliser des métaphores (les commerçants, une certaine communauté, nos adversaires, nos ennemis, l'UFDG, etc...), personne n'est dupe de ces diversions.

 

Alpha Condé a franchi un pas, mais c'est le dernier de cette nature, car il est au bord du précipice. Ou il fait marche arrière – car il n'y a pas de honte à se tromper – pour essayer de mettre en oeuvre son programme dans le respect des textes, que lui seul connait, avec le soutien de quelques uns et l'indifférence de la majorité de la population. Ou il fait un pas de plus, et ce qu'il appelle de ses voeux (les tensions communautaires) vont redoubler. Mais dans cette hypothèse, ses adversaires ne se contenteront plus de lui demander de respecter les textes, mais se battront pour sa destitution.

 

Il convient donc d'examiner certains points de son entretien avec des journalistes sénégalais. Comme d'habitude, car ce n'est pas la première fois que je commente ses élucubrations, nous devons faire face à un mélange de niaiseries, d'erreurs, de fautes politiques insensées (voire honteuses pour les Guinéens), et de répétitions scandaleuses nous amenant à réagir concrètement. Je reprends donc les éléments de l'entretien dans un ordre chronologique et/ou thématique, en le présentant en deux parties, son interview étant plus longue qu'à l'accoutumée.

 

Des audits

 

Alpha Condé rappelle que le CNDD « a sorti, en dix mois, plus d’argent que la Guinée de 1958, à la mort du président Lansana Conté. La Banque Centrale était quasiment en faillite». Mais en dehors de geler les marchés ayant été signés pendant cette période, force est de constater qu'aucun responsable n'a été poursuivi (dont Jean-Marie Doré par exemple), et pire, le Ministre de l'Économie et des Finances (Kerfala Yansané) est resté au gouvernement. Cherchez l'erreur !

 

A propos des audits, Alpha Condé déclare qu'il va publier les audits, même si on ne poursuit pas les responsables. « Car si on poursuit, vous allez être les premiers à dire depuis Dakar : voilà, il s’attaque aux opposants… , ce sont des règlements de compte ».

 

Bizarrement, on ne comprend pas de quels audits il s'agit, celui de la Cour des comptes qui cible la période de la transition, et dont les responsables font partie de l'Alliance Arc-en-ciel (ce ne sont donc pas des opposants), ou les pseudo-audits réalisés par des non spécialistes (Ousmane Kaba n'est ni expert-comptable, ni auditeur) et uniquement à destination des opposants, ce qui viendrait conforter la phrase du Président du RPG, qui ne cible bizarrement que ces derniers. Autrement dit les gens de son camp sont blancs comme neige, et il suffira de regarder la liste pour s'en rendre compte.

 

On rappelle au Président du RPG que même si des enquêtes à charge ont été réalisées avant lui, elles l'ont été par ses alliés, et pour la période antérieure à la transition. Or il reconnaît lui-même, que c'est la période de la transition qui a saigné les finances publiques. Quel est donc l'intérêt de se focaliser sur une période qui ne rapportera pas grand chose à l'État ? Tout bon financier sait que lorsqu'on récupère des sommes d'argent, on commence toujours par les plus importantes. Enfin, il est utile de rappeler, car avec toutes les déclarations ou les actes à but de divertir la population, on aurait tendance à oublier, le Comité d'audit mis en place par Alpha Condé lui-même, comprend des individus qui sont eux-mêmes débiteurs de l'État. Ils sont donc particulièrement mal placés pour faire la morale aux autres.

 

Alpha Condé déclare qu'en 2012, « nous allons avoir la prospérité et la liberté ». Si on peut comprendre que la prospérité ne se décrète pas et qu'il faudra du temps, la liberté n'est qu'une question de volonté. Or les décisions d'Alpha Condé prouvent à souhait qu'il fait exactement l'inverse de ce qu'il dit en la matière. Personne n'est libre en Guinée. La liberté n'est pas une notion individuelle (certains individus sont complètement libres), mais publique et doit concerner tous les individus sans exception.

 

Réforme de l'État

 

Alpha Condé prétend réformer l'État en mettant l'accent sur deux choses principales : la lutte contre l’impunité, et les réformes structurelles.

 

Impunité

 

En matière d'impunité, il est tellement peu crédible qu'il n'est même pas besoin de commenter ce mensonge éhonté. D'ailleurs dans l'interview, il a peu parlé de cet aspect, préférant se concentrer sur l’unicité des caisses. Tout juste a t-il évoqué l'obligation à certains débiteurs de l'État (lesquels ? les membres du Comité d'audit ? ses alliés de l'Arc-en-ciel ? le gouverneur de la BCRG ? etc... ou les commerçants ?) de rembourser.

Par ailleurs, Abdoulaye Wade s’étant prononcé en faveur d’un éventuel jugement de Khadafi par la CPI, on a demandé à Alpha Condé s'il partageait ce point de vue.

 

« Et je dis aussi que si je suis contre l’impunité je suis aussi contre ces gens là, mais il y a d’autres qui ont fait pire sur d’autres continents ».

Preuve d'un esprit étroit, je ne condamne pas, parce que d'autres ont fait pire. Tu as volé, donc je peux voler aussi. Tu as tué, donc je peux en faire autant. Triste mentalité !!!

 

Réformes structurelles

 

Alpha Condé déclare qu'il a « essayé de faire comprendre au peuple guinéen que nous avons une année difficile à passer, parce que le FMI nous a demandé de réduire le déficit budgétaire de 13% en 2010 à 2% ».

 

Il oublie de préciser que le peuple guinéen, ce n'est pas seulement le CNT, mais la population, à qui on ne parle pas de difficultés, mais d'espoir dans des projets chinois, dans des distributions de matériel agricole (omettant au passage qu'il s'agit d'un don indien, et non d'investissements guinéens). En outre, c'est Alpha Condé lui-même qui a décidé de doubler (100%) les salaires des militaires et de supprimer l'impôt de capitation, voire même de financer des militaires burkinabés. Il est donc aussi en partie responsable de ce déficit.

 

Par ailleurs, Alpha Condé devrait éviter de parler de ce qu'il ne connait pas, afin de ne pas se rendre ridicule. Lorsqu'il dit que l'objectif d'annulation de la dette publique de 2,5 milliards de $ est prioritaire : « nous comptons rapidement atteindre le point d’achèvement de l’initiative PPTE, nous avons accepté ces conditions draconiennes », on constate que ces conditions draconiennes ne le sont que pour la population (on rappelle que 50000 hommes – l'ensemble des forces de sécurité -, soit 0,5% de la population, consomment 30 à 50% du budget de la Guinée) et viennent même d'être augmentés. La rigueur n'est donc pas la même pour tout le monde. En outre, en ne consacrant pas de dépenses budgétaires conséquentes à la santé et à l'éducation (la Banque mondiale recommande jusqu'à 40%), les conditions d'annulation de cette dette ne sont pas encore remplies. Il existe également d'autres points qui ne collent pas, mais j'y reviendrai à l'occasion d'un papier prochain sur le budget.

 

« Par contre pour les 700 millions de $ de Rio Tinto, le FMI me demande de ne pas les utiliser, parce que, me dit-on, cela va augmenter la masse monétaire et l’inflation ...

Mon ministre du Budget part pour rester dans le programme du FMI. J’ai 700 millions de $ et je ne peux pas les dépenser ».

 

Pour qui connait les procédures du FMI, il faut savoir qu'un État en relation avec cette institution doit indiquer toutes ses dépenses et toutes ses recettes, et évidemment le budget doit les prendre en compte. Le FMI a été informé (il était difficile de faire autrement), mais il est assez significatif de constater qu'Alpha Condé s'attribue l'obtention de la cagnotte de Rio Tinto !!! oubliant de préciser que cela appartient à l'État, dont il n'est qu'un représentant. Quand bien même il en serait le promoteur, c'est son boulot et il n'y a rien d'extraordinaire à faire son job. Vouloir se comparer à ses prédécesseurs est petit, compte-tenu du niveau intellectuel de ces derniers.

 

En fait, il indique qu'il a obtenu de l'argent, mais qu'il veut l'utiliser comme fonds de garantie, ce qui est une excellente idée, à condition comme il l'affirme au FMI, que des représentants de l'Assemblée nationale et de la société civile puissent en contrôler la destination. A voir les annonces de projets ici et là, ce fonds ne joue plus son rôle de garantie, puisque qu'ils sont utilisés pour financer la part de l'État guinéen dans certains de ceux-ci. Or certains de ceux-ci nécessiteront des investissements que la Guinée n'est pas capable de financer. Enfin pourquoi faire preuve de démagogie en clamant, à l'attention de la population, et à qui veut l'entendre, que la Guinée est un État souverain (en matière d'élections par exemple), mais que le FMI décide ? Comprenne qui pourra.

 

Réforme de l'armée

  

Concernant la réforme de l'armée, son seul résultant probant est d'avoir délocalisé les armes lourdes en province, mais il faut rappeler à Alpha Condé qu'il dirige un régime civil (même s'il a scandaleusement nommé des militaires, dont ce n'est pas le rôle), et que donc il n'y a rien d'anormal dans cet état de fait.

 

Les effectifs sont toujours pléthoriques, la corruption des gradés toujours présente, des clivages ethniques se font de plus en plus jour (depuis le CNDD et jusqu'au pseudo-attentat du 19 Juillet), des conflits de génération sont toujours vivaces, et l’impunité est toujours de mise. Quelles qu'en soient les raisons, les barrages restent toujours des occasions de rackets (c'est peut-être le but recherché).

 

Alpha Condé sait de quoi il parle lorsqu'il précise : « vous savez, les problèmes religieux ou ethniques, c’est bien souvent de la manipulation. Lorsqu’un homme politique n’a plus de programme pour convaincre, il utilise des arguments irrationnels, soit dans la religion, soit dans l’ethnie. C’est de la manipulation ».

 

Tout le monde a compris qu'il voulait parler des hommes politiques en général, alors qu'en réalité il parlait de lui, car c'est exactement ainsi qu'il fonctionne. Il ajoute : « la Guinée a retrouvé sa pleine souveraineté », oubliant ce qu'il a dit précédemment à propos du FMI, mais chacun sait qu'il n'est pas à une contradiction de plus.

 

Sur la réconciliation

 

A propos de la réconciliation, Alpha Condé déclare : « nous allons faire la réconciliation, en fonction de notre histoire et de notre vision. Nous n’accepterons plus que quelqu’un nous dicte la façon de faire la réconciliation et d’organiser nos élections, parce que lorsque vous recevez un financement de l’extérieur, il y a des contraintes auxquelles il faut impérativement faire face ».

 

Alpha Condé indique ici qu'il compte organiser lui-même les élections, s'imaginant que parce que l'UE ne finance pas les élections, elle n'aura pas son mot à dire. Oublie t-il qu'il existe de nombreux démocrates en Guinée, qui ne laisseront plus faire les élections n'importe comment ? Parce qu'il a été désigné, il considère que les élections ont été libres et démocratiques. Et bien nous ferons en sorte qu'elles le soient toujours, ce qui passe imparablement par le respect des revendications du Collectif, qui ne demande que l'application de la loi, celle qu'il est lui-même censé défendre.

 

Par ailleurs, il précise qu'il va faire la réconciliation en fonction de sa vision, dont on connait les tenants et aboutissants : on oublie tout, on pardonne tout et on avance. Pourtant un peu plus loin dans son interview, il déclare : « Le problème de la réconciliation nationale, ce n’est pas l’affaire des hommes politiques, c’est l’affaire du peuple guinéen ». Autrement dit, il n'a rien à y faire.

 

Nominations ethniques

«Vous savez que c’est une très grande malhonnêteté » dit-il, en niant la réalité sociale guinéenne, réduisant les forestiers et les soussous à une vassalité malinkée, et en voulant opposer cette communauté élargie aux étrangers que sont les peuls.

 

« Aujourd’hui, je suis obligé de nommer dans les pays voisins des gens expérimentés qui pourront suivre les actes de déstabilisation contre moi ».

 

On voit que la seule chose qui intéresse Alpha Condé, c'est de déstabiliser ses adversaires où qu'ils se trouvent, avec le risque que ces adversaires le prennent finalement au mot et décident eux aussi de se lancer dans de réelles actions contre ce régime. Alpha Condé pense t-il que ces actions vont remplir les assiettes de nos concitoyens ? Pourquoi pense t-il qu'il a été élu ?

 

Les mensonges inqualifiables (ou erreurs impardonnables) qui le décrédibilisent définitivement.

 

Il y a quand même des mensonges grotesques dans son interview qui ne peuvent pas passer inaperçus, notamment quand il nous affirme que « Le Gouverneur de la Banque Centrale est Traoré et il est Kolon, une ethnie minoritaire ». On rappelle que le gouverneur de la BCRG est Louncény Nabé.

 

« Je ne vais pas mettre à des places stratégiques des gens qui ont déjà géré». Si chacun se remémore la liste de ses ministres, plus des deux tiers sont d'anciens ministres, sic...

 

« Moi, je ne suis pas venu pour faire de l’équilibre ethnique ». Je crois qu'au vu des nominations, tout le monde a compris.

 

« Comment pourrais-je nommer des cadres qui ont fait une mauvaise gestion. Je n’ai pas pris d’anciens ministres, en dehors du ministre des Finances et de trois militaires, parce que je ne pouvais pas faire autrement ». Sans commentaires !!! Je reste sur ma faim de constater que les journalistes sénégalais n'aient pas approfondi cette réponse : « je ne pouvais pas faire autrement ».

 

« Celui qui sera épinglé par un audit aura des problèmes avec la justice ». On ignore de quel audit il parle (il y en a tellement !!!), puisque de nombreux cadres de son gouvernement sont ciblés par des audits, sans conséquence pour eux. Ils sont même promus au gouvernement. De même les membres du Comité d'audit.

 

« C’est l’UFDG qui a mené une campagne, en disant : c’est notre tour... donc c’est eux qui ont rejeté les autres ».

 

Une fois pour toutes, il va bien falloir qu'Alpha Condé comprenne que si l'UFDG, ou le RPG, ou d'autres vont aux élections, c'est pour les gagner. Si lui-même ne voulait pas gagner les élections, pourquoi s'est-il présenté ? A partir de là, peu importe les slogans pour mobiliser son électorat, du moment qu'il n'y a pas rejet des autres. Et en la matière, Alpha Condé, qui ne veut pas déformer l'histoire est un champion de la supercherie, car c'est le RPG (donc lui) qui a accusé les peuls d'avoir empoisonné ses militants. Il est d'ailleurs étonnant que les auteurs présumés du pseudo-attentat étaient déjà connu la veille (certains ont été arrêtés le 18 Juillet), alors que les « empoisonneurs » ne sont toujours pas arrêtés.

 

Donc quand on veut faire la morale aux autres, on balaye déjà devant sa porte. Le RPG – je ne cesse de le répéter – utilise la technique du miroir, la plus insidieuse et imparable, consistant à accuser les autres, de faire ou dire ce que eux-mêmes font ou disent.

 

 

Alpha Condé en voie de régression ? (partie 2)

 

 L'entretien d'Alpha Condé à la presse sénégalaise a porté sur plusieurs points. Dans cette deuxième partie, ont été isolés les sujets à polémiques proprement dit, et les aspects économiques dont les perspectives sont assez décevantes. Sur ce dernier point, il n'y a pas de surprise, la vision dépassée d'un État interventionniste dans tous les secteurs ne nous surprend guère. La philosophie est non pas de travailler à sortir le pays du marasme dans lequel il se trouve, mais de vanter les possibilités minières du pays, aux fins de faire venir des investisseurs étrangers.

 

Pour stopper les dérives verbales du président du RPG, une initiative sera proposée en conclusion, pour permettre à la diaspora d'agir, donc d'intervenir dans les débats politiques du pays. On ne veut pas nous ouvrir la grande porte (personne n'a parlé de nos suffrages pour les législatives, et le nombre d'électeurs pour les présidentielles – à peine 100 000 – est ridicule), eh bien nous allons passer par la porte de derrière (voir en conclusion).

 

Avant de conclure, il convient de reprendre la suite de l'interview d'Alpha Condé.

 

Sur le pseudo-attentat

 

« Voilà, des gens qui disent qu’ils sont politiciens et qui organisent des attentats contre le Président de la République ».

 

Sauf erreur de ma part, jusqu'à présent seuls des militaires et quelques civils (non politiciens) ont été arrêtés. On ignore donc d'où Alpha Condé tire ses informations !!!

 

« Ici, j’ai permis aux ambassades et à la Croix Rouge de leur rendre visite. J’ai demandé aux populations de ne pas sortir ..., je ne veux pas de manifestation de soutien ».

 

Toutes les personnes arrêtées sont Guinéens. On ne voit donc pas ce que les ambassades, qui défendent leurs ressortissants étrangers, ont à voir avec des Guinéens. Bizarrement la Croix Rouge n'a fait aucun commentaire sur la santé des prisonniers. Les journalistes ne font pas leur travail en ne questionnant pas les seuls habilités à rencontrer les prisonniers, notamment pour vérifier la véracité de cette information.

 

Par ailleurs, l'ambassadeur de France est mal placé pour nous faire un compte-rendu de l'état sanitaire des prisonniers, alors qu'il est scandaleusement complice de cette supercherie.

 

De toute façon, on a du mal à imaginer pourquoi la population ferait des manifestations de soutien à des assassins, s'ils étaient réellement des assassins. Le fait-elle pour Claude Pivi et Tiegboro Camara ? Tout le monde serait solidaire de son président, si c'était la réalité. Imaginer que la population puisse contester des sanctions contre des criminels, c'est reconnaître à demi-mot la supercherie.

 

« Vous ne pouvez pas dialoguer avec des gens qui veulent la guerre civile en Guinée ».

 

Qui veut la guerre civile ? Où cela a t-il été déclaré, suscité ou même évoqué ? Comme les adversaires d'Alpha Condé sont notamment Sidya Touré et Cellou Dalein Diallo, et qu’il les a rencontrés ou est en passe de le faire (l'épisode du refus de CDD n'étant qu'une péripétie liée à la forme), on a du mal à comprendre qui sont ces gens qui veulent la guerre civile. Les militaires ? Alpha Condé n'est-il pas Ministre de la défense ? Ne dialogue t-il pas continuellement avec eux ?

 

« Nous savons très bien que le numéro deux de l’UFDG, Bah Oury qui a fui, a été un des principaux organisateurs, de l’intérieur. Je n’ai pas voulu qu’on l’arrête. J’ai demandé qu’on attende que la justice lance un mandat. Ce qui lui a permis de fuir. On a dit partout que je l’ai tué. Après, il a parlé sur RFI. Lui-même, a dit qu’il ne pouvait pas ne pas agir. Il a avoué. C’est le numéro deux officiel de l’UFDG, sans compter ceux qui se réunissaient à Dakar, à l’hôtel Méridien-Président ».

 

Cette accusation est grave pour deux raisons : d'abord sur le plan juridique, Alpha Condé démontre une fois de plus qu'il n'est pas juriste, malgré des études de droit il y a plus de 40 ans. Comment Bah Oury a t-il été impliqué dans cette affaire ? Officieusement lorsque les prisonniers ont parlé, des rumeurs ont laissé entendre la participation – comme commanditaires – des leaders de l'UFDG. En admettant que ces rumeurs proviennent bien des prisonniers, cela signifie que le secret de l'instruction a été violé. Il suffit de trouver l'auteur de ces rumeurs pour éventuellement faire annuler toute la procédure pour violation du secret de l'instruction.

 

De la même manière, lorsqu'Alpha Condé indique que Bah Oury a avoué. Ou il tire cette information de l'instruction, prouvant à tous la dépendance de la justice par rapport au pouvoir politique, et accessoirement violation du secret. Ou il tire l'aveu de l'interview de Bah Oury sur RFI. Dans cette dernière hypothèse, il prouve qu'il ne comprend pas le français. Être obligé de disparaître ne signifie pas qu'il a quelque chose à se reprocher, mais que s'il ne disparaît pas, il sera arrêté pour rien. Alpha Condé disait que le 19 Juillet, il n'a pas voulu qu'on l'arrête. Les militaires qui ont dévasté sa maison venaient sans doute le saluer. Comment arrêter un politique par anticipation, alors qu'aucun militaire et même civil, ceux-là même qui accuseront par la suite Bah Oury, n'ont pas encore été arrêtés. Comment savoir qui est derrière cette mascarade, alors que personne n'a encore d'information sur l'identité des différents protagonistes ?

 

Toutes ces incohérences sur ce pseudo-attentat – je les ai évoqué dans trois textes différents – montrent à souhait la supercherie, qui n'a pour unique but, que de se débarrasser d'adversaires qu'Alpha Condé considère comme gênants. Sur le plan politique, Alpha Condé s'en prend à Bah Oury, s'imaginant qu'en décapitant une des têtes les plus remuantes de l'UFDG, il sera tranquille. Il n'a encore rien vu. Nous sommes en 2011, et rien de ce qui s'est passé il y a cinquante ans ne se reproduira en Guinée.

 

La complicité de pays amis

 

«Quand je prends l’exemple de Tibou Camara, sa femme est la soeur de la femme de Yaya Jammeh. Tibou Camara a quand même dit, à Malabo que l’armée va marcher sur le palais. Demandez aux Guinéens qui sont en Guinée Equatoriale, ils pourront vous dire ce que Tibou Camara a dit contre moi ».

 

La honte à l'état pur : un PRG qui se fie à des propos de comptoirs de cafés du commerce, à des ragots, pour considérer que des individus faisant des déclarations hostiles, sont coupables de crimes. Il y a vraisemblablement plus de la moitié des Guinéens qui tiennent aujourd'hui des propos hostiles à Alpha Condé. Peut-être certains rêvent même de le faire quitter la présidence. Est-ce à dire qu'il faut arrêter tous ces Guinéens ou accuser tous les pays qui accueillent ces ressortissants comme complices d'un coup d'État ?

 

Compte-tenu de ses fonctions, Alpha Condé ne peut pas dire n'importe quoi, et s'il le fait, il doit en apporter la preuve. En se substituant à la justice guinéenne pour condamner des présumés innocents de « l’attaque imaginaire » de son domicile (Bah Oury, Tibou Kamara, Sadaka Diallo) puis le Sénégal et la Gambie, il devient tout simplement grotesque, pire, il nous fait honte.

 

« J’ai clairement dit aux Ministres (des Affaires Etrangères du Sénégal et de la Gambie), que j’estime que les choses ont été préparées à l’hôtel Méridien Président, à Dakar, et qu’il y a eu des va-et-vient entre Dakar et Banjul. J’estime que les choses ne pouvaient pas se faire à leur insu. J’ai dit à votre Ministre des Affaires étrangères de façon claire, que je pense qu’il y a eu une complicité du gouvernement du Sénégal et de la Gambie …

Sadaka Diallo disait à qui voulait l’entendre, qu’il allait organiser une attaque contre moi ».

  

Des citoyens font des déclarations privées dans un hôtel où tout le monde passe, ils vont et viennent entre différents pays. Deux pays souverains seraient complices (de quoi ? tentative d'assassinat ?) pour cette raison. Le Président du RPG est tombé bien bas, deviendrait-il sénile ?

 

Doit-on accuser Alpha Condé de complicité de crimes contre l'humanité, pour ne pas avoir arrêté et déféré des criminels qui sont accusés par la CPI? C'est pourtant de la même veine.

 

Ses accusations sans preuves, ni fondements, basées sur des insinuations, des supputations et des calomnies sont scandaleuses. En Afrique en général, en Guinée en particulier, les sondages n'existant pas, on procède par rumeurs pour étudier les réactions des uns et des autres, et savoir si on doit faire marche arrière ou au contraire insister sur l'idée. Ici en revanche, Alpha Condé a accusé nommément sans employer le conditionnel, ce qui laisse supposer que les PV d'audition lui ont été communiqués, entrainant par là-même violation du secret de l'instruction. C'est paradoxalement une bonne nouvelle.... pour les inculpés.

 

Qui ignorait que la justice guinéenne n'était pas libre et indépendante ? Comment imaginer que les magistrats en charge du dossier ne vont pas être tenus par ces oukases présidentiels ? Bien que présumés innocents, ils sont déjà virtuellement condamnés, puisque je ne connais aucun Guinéen qui prendra le risque d’aller dans un sens différent de la volonté du PRG.

 

Sur les aspects économiques

 

« On dit que la Guinée c’est un scandale agricole. Ma priorité aujourd’hui, c’est l’autosuffisance alimentaire. Que la Guinée n’importe plus de riz ! Mieux, nous voulons devenir exportateur ».

 

Le problème a déjà été évoqué. Lorsqu'on a cette priorité, on ne subventionne pas le riz importé, et on reste rigoureux sur le suivi des décisions (quid de l'affaire des semences ?)

 

« Le deuxième axe, c’est la santé et l’électricité. J’ai donné 110 millions de $ pour le barrage du Delta. En même temps, nous avons commencé trois mini-barrages, que nous avons nous-mêmes financés. Ensuite nous allons reconstruire Conakry ».

 

Rien d'indiqué pour la santé. D'où viennent ces 110 millions de $ ? Des 700 millions de Rio Tinto ? Des 150 millions de l'Angola ?

 

A la question de savoir si le patronat local sera mis à contribution, Alpha Condé déclare :

« Moi, j’ai mon objectif et des hommes d’affaires ».

 

Or ce ne sont pas des hommes d'affaires que nous cherchons, il y en a 10 millions, mais des entrepreneurs.

 

« Notre défi est de changer le secteur informel productif en PME ».

 

Si c'est un objectif logique à moyen terme, en revanche on voit bien là la volonté gouvernementale de tout contrôler et de racketter. La priorité ce n'est pas de financer l'État, mais de créer des emplois. Il vaut mieux de nombreuses entreprises informelles créatrices d'emplois, que des PME qui ne verront jamais le jour, parce que les entrepreneurs de l'informel sont des hommes d'action et non des spécialistes de la paperasserie. Les raisons de l'informel ne sont pas la volonté de rester en dehors de l'État, mais le fait que la fonction publique rackette systématiquement, et sans pédagogie sur la politique fiscale.

 

A la question de savoir quelles actions Alpha Condé compte t-il entreprendre pour que cette richesse minière potentielle profite à la Guinée et aux Guinéens, Alpha Condé déclare :

 

« On a mis en place un nouveau code minier ».

 

On nous vend du papier comme la solution à tous nos problèmes, mais le Code n'est qu'un bout de papier. Quand bien même, nous possèderions 35% d'actions, si la société minière ne fait pas de bénéfices, et il est très facile légalement de ne pas en faire, cela ne rapportera rien à l'État. Est-il besoin de rappeler que dans le projet de Sangarédi, la Guinée a eu à posséder jusqu'à 49%. Les Guinéens en ont-ils profité pour autant ?

 

« Les infrastructures aéroportuaires, ferroviaires et routières doivent appartenir désormais à la Guinée ».

 

Oui, mais on n'est pas obligé de se lier les mains aussitôt pour immobiliser l'argent, juste pour être propriétaire d'infrastructures dont le seul client risque d'être dans un premier temps, la société minière. Ce n'est pas de l'investissement actif, mais un investissement de rentier.

 

« La Guinée elle même doit avoir la possibilité de commercialiser une partie de la production correspondant à sa part dans le capital ».

  

On a du mal à voir l'intérêt sauf pour l'aluminium (que nous ne possédons pas et dont aucun projet n'a été évoqué), alors que pour le fer, la Chine (actionnaire de Rio Tinto) est le premier client mondial, donc fixe quasiment les prix d'achat. Pourquoi les Chinois achèteraient-ils le fer guinéen directement à la Guinée, alors que cela leur coûtera moins cher via Rio Tinto ?

 

« Nous pouvons vendre à qui nous voulons une partie de nos actions ».

Dans quel but, pour faire une plus value ? Là encore, une économie de rente et de coups. Pourquoi vouloir contrôler jusqu'à 35% des actions, si le seul but n'est que de les vendre ensuite ?

« Le DGA et le DRH doivent être des Guinéens et au bout de cinq ans le DG doit être Guinéen ».

On a déjà connu ce genre de dispositions, et cela n'a pas fait avancer la Guinée. Ce ne sont pas quelques postes, donnés d'ailleurs sans considération de compétences, qui permettront à la Guinée de s'en sortir. Ce sont des transferts de compétence à tous les niveaux qui sont nécessaires, de façon à être capable de contrôler toute la filière, au niveau productif. La Guinée devrait être capable de maitriser la totalité de la filière aluminium pour des raisons simples. Elle possèderait les 2/3 des réserves mondiales. Pourquoi doit-elle se contenter d'obtenir quelques postes dans une filière contrôlée par d'autres ? En 50 ans, nous en sommes toujours au même point, avec les mêmes ambitions minimalistes.

A la question de savoir s'il était prêt à sacrifier un peu de liberté, Alpha Condé déclare :

« Non je pense que le développement ne peut pas aller sans liberté ».

Alpha Condé est tellement risible qu'il n'est pas besoin de commenter. Probablement parle t-il de la liberté de la Guinée, mais non de la liberté des Guinéens.

A la question de savoir s'il allait conserver le franc guinéen ou opérer un changement, Alpha Condé déclare :

« Pour le moment mon problème c’est d’avoir des autorités qui permettront l’annulation de 2,4 milliards de $ sur une dette 3,1 milliards ».

En premier lieu, la dette dépasse les 3,5 milliards de $ (voire même les 3,7 milliards avec le prêt angolais). En deuxième lieu, il existe des contradictions entre ce que la Guinée déclare faire au FMI, et ce qu'elle fait réellement. Cela lui éclatera donc à la figure. Enfin, j'avais cru comprendre qu'Alpha Condé était africaniste. Pourquoi laisse t-il donc supposer que la Guinée pourrait intégrer la zone CFA ?

Conclusion

Alpha Condé est intellectuellement malhonnête, ceux qui en doutent n'ont qu'à comparer ce qu'il dit et ce qu'il fait. Son discours à l'ONU en constitue une autre illustration. Mais comme il fait de nombreuses erreurs, il va être temps de le mettre devant ses contradictions. Et comme l'opposition préfère utiliser les armes politiques aux possibilités juridiques, il s'agit de montrer à tous, que pour parvenir à un État de droit, il faut mettre tous les acteurs devant leurs responsabilités :

le gouvernement d'abord, qui viole allègrement les textes alors qu'il est censé les défendre ;

l'opposition qui ne rassure pas davantage, en n'utilisant pas la possibilité de saisir les tribunaux. Il est vrai que les Guinéens sont souvent confrontés à des décisions incohérentes, voire à des dénis de justice (dans le cas de Zakariou Diallo par exemple), mais l'opposition doit montrer qu'elle se comporterait différemment si elle était au pouvoir ;

la justice au sens large, qui devra montrer si le changement annoncé signifie régression ou amélioration.

Pour ce faire, il convient de mettre ce régime au pied du mur, et de permettre au président du RPG, de prouver ce qu'il dit. La diaspora va donc être mise à contribution, en montrant sa détermination à mettre en place au pays un État de droit, par des initiatives ponctuelles, mais concrètes.

Faute de pouvoir investir dans un pays qui ne respecte pas les règles, qui expulse des citoyens de leurs demeures malgré un titre de propriété, qui ne permet pas à la diaspora de s'exprimer, il est temps de prendre notre place.

Pour être concret, et ne pas se limiter à des discours, je propose donc à la diaspora la plus élargie possible, d'être un acteur des débats politiques du pays. Pour ce faire, je vais contacter un avocat français spécialiste de l'Afrique, en vue de lui demander d'assister ses collègues guinéens, ceux qui seront affectés à la défense des civils enfermés à la suite du pseudo-attentat du 19 Juillet.

Bizarrement on n'entend plus parler de cette affaire, pourtant des gens sont enfermés, sans avoir pu obtenir l'assistance d'un avocat, et contrairement à ce que les ministres de la justice et de la décentralisation proclamaient : « le droit sera respecté dans cette affaire ».

Ils vont donc avoir l'occasion de le montrer concrètement. Il faut être clair, au-delà de la compétence de ce spécialiste, qui pourra mettre à nu les nombreuses violations de la procédure, et de prouver les nombreuses incohérences ayant entouré cette affaire, l'objectif est de constituer en France une caisse de résonance aux évènements du pays. Entre les discours du président du RPG à vocation externe, présentant la Guinée comme un pays démocratique, en voie de mise en oeuvre d'un État de droit, où les droits de l'Homme sont respectés (voir discours à l'Assemblée Générale de l'ONU) et la réalité crue, il convient, parallèlement à nos actions de lobbying, de faire cesser ces mensonges éhontés.

Cette initiative n'est que la première d'une série que nous mettrons en oeuvre progressivement et dans plusieurs domaines pour nous faire entendre, et pour peser sur l'avenir du pays.

Je vous recontacterai prochainement pour examiner les modalités pratiques, nous permettant de nous mettre en marche collectivement.

 

 

Gandhi, citoyen guinéen

 

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