GUINEE : L'ESPOIR A ATTENDRE

Publié le par Ansoumane DORE

 

En ces lendemains du 28 septembre 2009, de longs corbillards invisibles défilent lentement dans nos âmes. L'Espoir des annonces rédemptrices  du coup d'Etat militaire de décembre 2008, vaincu dans le sang, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique, cette  vieille  compagne des Guinéens, veut, à nouveau planter  son drapeau ensanglanté sur leur crâne. Les exécutants du cénacle dénommé CNDD de Moussa Dadis Camara, Sékouba Konaté et consorts, ont, à la bouche, une phrase   toute simple  mais terrible  de conséquences futures  comme programme  de gouvernement de la Guinée: « On va gâter tout (on va détruire tout) dans ce pays, plutôt  que de renoncer au pouvoir ». Les massacres prémédités  de nos frères et soeurs à Conakry, le 28 septembre  dernier, constituent, en clair, un début de mise en pratique du programme  de  la gouvernance que Dadis veut mettre en place. L'absence de bon sens (ne parlons même pas d'intelligence) dans cette équipe fait dire à son chef Dadis que c'est l'opposition qui est responsable d'avoir conduit à l'abattoir (sic) des innocents en les conduisant à une manifestation interdite mais encore fallait-il que des bouchers les y attendent. Qui les a délégués?

 

Dadis et ses acolytes  n'ont-ils   jamais vu que  dans  des cas de manifestations interdites et de  partout dans le monde, l'utilisation de gaz  lacrymogène ou d'engins non mortels est le procédé courant? Eux  sont tellement accrochés au pouvoir qu'ils choisissent la politique de la terre brûlée qu'ils ont annoncée .Mais sans aucun scrupule d'aucune sorte, ils cherchent des échappatoires après leurs forfaits; autrement comment peut-on espérer gouverner en ce XXIe siècle, comme si de rien ne s'était passé,  une population  qu'on a canardée comme sur un champ de bataille? De quelle nature  sont  faits  cette armée, ses hommes et ses chefs?  Comme  à chaque fois (juin 2006, janvier février 2007), ils sont persuadés qu'ils vont  se tirer à bons comptes de l'ignominie commise par eux. C'est pourquoi, ils cherchent des boucs émissaires aux tueries de septembre et vont même jusqu'à constituer une commission nationale d'enquête sur ces tueries ordonnées en haut lieu. Des hommes qui sont à ce niveau de « raisonnement », peuvent-ils gouverner la Guinée? Des opportunistes, prêts à  saisir n'importe quelle occasion pour côtoyer les allées du pouvoir, le pensent.

 

 Pour tous ceux qui sont dotés de bon sens, la réponse ne peut être que négative. Ces hommes ne  s'accrochent  au pouvoir que pour ce qu'il leur apparaît: une opportunité   de gloriole pour eux: « je suis le Président de la République, moi qui suis né dans une hutte », «  je suis le Ministre de...» mais l'opportunité est aussi  d'enrichissement personnel  et de délires orgiaques. Le tout revêtu de logorrhées patriotiques et de nationalisme éculé  dont aucun mot n'est vraiment compris par ceux qui les prononcent. Cependant,  de nombreux imbéciles se délectent de  cette  foire aux cancres qu'ils animent  comme par exemple sur  la question des audits. Comment cela se  fait-il qu'un capitaine de l'Armée guinéenne comme Dadis ait put s'acheter la villa qu'il possède à Conakry s'il n'avait pas détourné des fonds  de  sa gestion des carburants de l'Armée  (bien de l'Etat guinéen)?

 

Or des imbéciles continuent de se   délecter du terme audits par un homme qui ne se l'applique pas à lui-même , ni ne l'applique au père fondateur du système de corruption à grande échelle: Lansana Conté. Mais les mêmes continuent ,comme par malédiction leur aveuglement  en suivant  les mêmes marchands d'illusions, qu'ils appellent avec emphase « Son Excellence ,Le Président de la République, Chef de l'Etat » et qui leur  proposent toujours les mêmes expériences incohérentes  qui aboutissent toujours  au même fiasco. Et du moment que les deux premières « Excellences » de Guinée ne sont plus de ce monde, certains vont jusqu'à demander de ne  plus les accabler de critiques alors que leurs méfaits continuent de faire de  la vie de nombreux  Guinéens un enfer sur terre. Si l'expérience de son « Excellence » Dadis devait se poursuivre, l'abomination de la déchéance guinéenne atteindrait des sommets rarement égalés dans l'espace géographique actuelle du pays.

 

L'Espoir qui nous reste, à nous Guinéens, est que Le principe de Peter qui dit en substance, qu'avec   le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d'en assumer la responsabilité, a déjà  rattrapé Dadis en seulement 9 mois de pouvoir. Cette incapacité à assumer le rôle de chef de l'Etat a conduit au bain de sang  de septembre que le monde entier a condamné.

 

 Moussa Dadis et ses compagnons doivent se retirer; ils n'ont ni les capacités intellectuelles et  morales ni les moyens matériels de redresser la Guinée. Ils devraient se convaincre de cette simple constatation.   L'Espoir à attendre viendra de la cohésion et de la détermination   des Forces vives guinéennes  (Partis politiques, Syndicats, Société civile).Mais aussi de tous les Guinéens épris de liberté. Il faut qu'ensemble, toutes  ces forces contribuent à l'extérieur et à l'intérieur au resserrement de l'étau sur Dadis et le CNDD, par elles-mêmes et  par l'aide de  l'Union Africaine (UA), de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), de  l'Union Européenne (UE), des   Etats-Unis d'Amérique  et d'autres qui sont leurs alliés objectifs. Je crois que sans tomber dans un optimisme béat d'une attente que l'Extérieur va régler sur ce chapitre tous nos problèmes guinéens, nous devons avec force encourager les dirigeants politiques et les membres des Forces Vives. Par ces encouragements, contribuons à créer en eux une  psychologie forte  au lieu des sempiternelles critiques, parfois sans réelle assise. Les objections que soulèvent certaines analyses sur  les points de faux espoirs à attendre tout  de l’Extérieur, sans être dénuées  de fondements doivent tout de même être nuancées.

 

  Dans la phase actuelle du combat des Guinéens pour leur liberté, il faut largement tenir compte d'un certain nombre de faits. La comparaison des cas mauritanien et guinéen n'est pas adéquate.  Le général  Mohamed Ould Abdel Aziz  n'a pas fait massacrer des Mauritaniens pour se maintenir au pouvoir. Autres mises en garde: les lenteurs de l'Extérieur à intervenir dans ce genre de situation sont connues mais ne doivent pas  mener au découragement. On sait que  dans un tel cas de figure, rien n'est réglé à la hussarde et les victoires qui peuvent être remportées  ne sont pas, toujours,  totales .On discute beaucoup  également  de l'embargo sur les armes mais la quantité d'armes mêmes légères dont dispose la partie de l'Armée qui soutient Dadis (l’autre partie étant désarmée) peut lui suffire pour continuer son jeu de massacre de la population civile. Sur ce point , je me rappelle, lors d'une mission d'enseignement à  l'Université Nationale du Zaïre (UNAZA), en mai-juin 1974, avoir assisté à une parade militaire  à Kinshasa. C'était une démonstration impressionnante pour la population : tenue léopard, kalachnikovs brillantes, tenues par des bras à la musculature d'un Arnold Schwarzenegger-Terminator. Le Général de Corps d'Armée Mobutu Sese Seko Kuku Ngwendu Wa Zabanga, Président Fondateur du M.P.R. et Président de la République du Zaïre, entouré d'une brochette de Généraux bien nourris, disait alors  que cette armée pouvait défier n'importe qui en Afrique Australe. Or cette armée forte a été complètement anéantie d'octobre 1996 à mai 1997, avec la fuite à l'étranger de son chef,  par les troupes déguenillées et en savates de Laurent Désiré Kabila, appuyées par le Rwanda et l'Ouganda.

 

Ce rappel est pour dire que bien des armées africaines (pas toutes) aux allures martiales pour frapper les populations civiles ne sont que des armées  d'opérette qui se sont souvent évanouies dans la nature en face de certains obstacles. La donnée nouvelle dans la situation guinéenne est  la  condamnation absolue  du crime de septembre,  largement partagée dans le monde. Il est rare de rencontrer une telle unanimité et cela prouve aussi que malgré les égoïsmes nationaux, le monde change. La CPI fonctionne cahin-caha, mais elle fonctionne  quand même. Charles  Ghankay Taylor du Libéria (Tribunal Spécial pour la Sierra Leone, a été transféré à La Haye, Pays-Bas), Radovan Karadzic de Serbie (Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie, à été transféré à La Haye), ces deux  là  doivent en savoir quelque chose. En cherchant à se justifier de leurs  forfaits, Dadis et consorts doivent y penser. Cette batterie de données et de faits constatés  ailleurs,  doivent fonder les Forces Vives guinéennes à espérer que ça sera par leur fermeté que l'Extérieur les aidera à bouter Dadis de la place qu'il occupe illégitimement par la forcée armée et à le traduire en justice. Elevé dans la culture de l'impunité et de l'absolution du mal continuellement perpétré par l'Armée guinée, toute autre formule signifiera pour lui la reconduction dans sa position actuelle.

 

L'ensemble des Forces Vives (partis politiques, Syndicats, Sociétés civiles), peut avoir un arsenal pour contraindre le  pouvoir installé par la force à en partir: campagnes de désobéissance civile, dissuasion de l'investissement étranger qui d'ailleurs tient de plus en plus compte du climat social du pays 'implantation. Même les contrats signés à la hâte ne signifient pas   des espèces sonnantes et trébuchantes immédiatement palpables. Déjà, l'activité économique est au plus bas, la valeur du franc guinéen ne cesse de dégringoler. Certes la population continuera de souffrir de cette  évolution mais les militaires qui se  sont rapidement habitués à un niveau de vie élevé, subiront aussi de plein fouet les effets d'une économie dépressive, d'autant plus qu'ils entretiennent, pour un certain nombre d'entre eux, femmes et enfants en dehors du pays. Il ne faut pas oublier que l'attente  en tous genres de l'Extérieur (financière et autres) est ce qui a fait la fortune des dirigeants civiles et militaires sous Lansana Conté, par des détournements de l'aide extérieure. Je ne crois pas que les militaires pourront se passer, longtemps, de ces apports financiers extérieurs. Tous ces aspects que je viens d'énumérer constituent dans notre malheur national des motifs d'Espoir « raisonné » à attendre avec cohésion et détermination collective dans la recherche du départ de Dadis et du CNDD.

 

 Il faut en même temps penser à  l'organisation de ce qui peut être une vraie  transition.

 

  (J’y reviendrai).

 

  Ansoumane Doré  (Dijon, France)         

 

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