Lettre Ouverte à la Communauté Internationale (par Lamarana Petty Diallo)

Publié le par Lamarana Petty Diallo

Lettre Ouverte à la Communauté Internationale

DIALLO_Lamarana__Petty_5_01A Messieurs,

 


Barack Obama, Président des Etats-Unis d’Amérique
Nicolas Sarkozy, Président de la République française
Ban Ki-moon, Secrétaire Général des Nations-Unies
Teodoro Obiang Nguéma Mbasogo, Président de l’Union africaine
Jean Ping, Président de la Commission de l’Union africaine
Goodluck Jonathan, Président de la CEDEAO
  

A Mesdames,

 


Khalida Rashid Kahn, Présidente de la Cour pénale internationale (CPI)
Fatou Bensouda, Procureur général adjoint de la Cour pénale internationale

  

Mesdames, Messieurs,

  

C’est à la veille de l’an 2 des massacres perpétrés le 28 septembre 2009 en Guinée contre des civils désarmés que je m’adresse, en tant que Guinéen, homme de lettres et historien, aux illustres personnalités que vous êtes.

Ma démarche personnelle ne relève point de l’audace. Elle est l’acte naturel et légitime de quelqu’un qui, depuis son enfance, vit les espoirs déçus, entend les sanglots retenus et les voix de son peuple appelant jour après jour, année après année et décennie après décennie, justice et démocratie.

Certains d’entre vous se demanderont sûrement au nom de quoi un simple citoyen s’adresse à lui pour des questions d’ordre national.

La raison est bien simple. Vous êtes les garants actuels de la paix mondiale et de la sécurité des peuples. Vous êtes les personnes vers lesquelles se tournent les regards de tous les opprimés de tout pays et de tout continent. Vous êtes, par ce que vous incarnez, les maîtres d’un monde qui considère que vous le gouvernez et, par conséquent, représentez la solution à tout. Vous êtes aussi, dans ce monde en mutation, mais qui ploie sous l’injustice, vous êtes, dis-je, plus que quiconque le rempart contre la dictature.

Les événements récents dans les pays du Maghreb, qu’observateurs et journalistes ont baptisé « Le Printemps arabe », renforcent un tel sentiment.

Par votre soutien et non sur votre initiative, ce serait de l’impérialisme, des peuples longtemps opprimés par leurs dirigeants ont recouvré plus que la lueur, mais la lumière de la liberté et les saveurs de la démocratie.

Un peuple, le peuple de Guinée, longtemps martyrisé par l’histoire et par ses propres dirigeants a payé par le sang la quête de son printemps. C’était un lundi 28 septembre 2009. Il y a juste deux ans.

Ce jour-là, des hommes en armes, policiers, militaires, gendarmes et autres nervis d’une dictature naissante ont osé l’inimaginable : tirer à bout portant sur des hommes, des femmes et des enfants désarmés. Comble de l’infamie et de l’horreur, ils ont violé dans un stade fermé, en plein jour et à ciel ouvert, des mères, des jeunes filles et des femmes de tous âges. Certaines victimes de ces viols ont été froidement abattues après la sale besogne des bourreaux.

Jusqu’à ce jour, la barbarie et le crime de ces individus censés protéger leur peuple n’ont pas été punis. Ces acteurs des horreurs qualifiées par les organismes de défense des droits de l’homme de crimes contre l’humanité, sont toujours libres. Leur puissance est plus que jamais renforcée. Actuellement, ils sont dans tous les rouages de l’Exécutif et dans les hautes sphères de l’administration. Ils sont ministres d’Etat, ministres et, à défaut, préfets ou gouverneurs.

Certains présumés auteurs des massacres du 28 septembre 2009 ont été tout récemment gratifiés par le Président guinéen de la plus haute distinction de la nation : la Médaille de Chevalier de l’Ordre National du Mérite.

  

Mesdames, Messieurs,

 

Honorer des personnes nommément accusées de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (CPI) et d’autres instances des Nations-unies serait impensable si la Guinée avait joui du soutien qu’il fallait. Celui de la communauté internationale. Si des voix autorisées comme les vôtres avaient appuyé les revendications des Guinéens en général et des victimes en particulier.

Je ne vous accuse point. Je me permets tout simplement de vous interpeller. Je vous appelle humblement et humainement, au nom de la démocratie que vous défendez partout à travers le monde, à tourner vos regards vers la Guinée. A apporter à mon peuple, celui-là qui m’a vu naître, votre soutien. Un soutien qui ne soit pas uniquement moral, mais politique et juridique.

Mon pays et son peuple ne demandent pas apitoiement. Ils ont simplement besoin d’être entendus et épaulés. Les ratages successifs, y compris des premières élections dites démocratiques de novembre 2010, exposent plus que jamais la Guinée à d’autres 28 septembre. Le risque est là. Il est très sensible du fait de l’aveuglement politique des uns et de l’obstination d’autres à faire perdurer un système qui n’est plus en phase avec notre temps.

 

Mesdames, Messieurs,

Vous conviendrez, du moins je l’espère, qu’un système ethnique aux relents communistes ne répond pas aux aspirations démocratiques d’un peuple. Ce système ethnico-communiste, cette nouvelle invention de notre pays aux paradoxes, hélas multiples, ne résoudra pas le problème guinéen. Seul un Etat démocratique, garant d’un pouvoir consensuel et d’une justice équitable met la Guinée à l’abri de nouveaux conflits. Vous pouvez y contribuer. Il faudrait juste que vous daigniez agir dans le sens de l’arrestation et du transfèrement des auteurs présumés des massacres du 28 septembre 2009 devant les tribunaux internationaux. C’est le plus grand espoir du peuple de Guinée de la part des «Grands de ce monde » que vous êtes.

A mon sens, les dirigeants guinéens actuels n’ont ni la volonté politique, encore moins le courage patriotique de rendre justice en arrêtant et en jugeant les auteurs des crimes de 2009.

Aussi, ce n’est pas rendre justice aux victimes en se contentant de maintenir en exil l’ancien Président du Conseil National pour la Démocratie et le Développement (CNDD) et d’ouvrir les plus hautes marches du pouvoir à ses présumés complices. Cela est insuffisant pour restaurer un climat social apaisé en Guinée. Autant dire que tous ceux qui continuent de bénéficier de l’impunité et de la complicité du nouveau pouvoir devraient répondre de leurs actes.

En outre, la justice guinéenne, simple caisse de résonance du pouvoir en place, est incapable d’une telle action. Cela se comprend d’autant plus facilement que, comme le disait Albert Camus, écrivain français : « Quand la suprême justice donne seulement à vomir à l’honnête homme qu’elle est censée protéger, il parait difficile de soutenir qu’elle est destinée, comme ce devrait être sa fonction, à apporter plus de paix et d’ordre dans la cité. Il éclate au contraire qu’elle n’est pas moins révoltante que le crime, et que ce nouveau meurtre, loin de réparer l’offense faite au corps social, ajoute une nouvelle souillure à la première ».

La justice internationale a le devoir de jouer son rôle en Guinée. Pour ce faire, elle se doit d’être concrètement du côté des victimes de la marche pacifique de septembre 2009.

 

Mesdames, Messieurs,

Très certainement, il y aura des personnes qui diront qu’il est illusoire de s’adresser à la communauté internationale. Mais, je ne doute pas un seul instant que vos peuples respectifs ayant connu un passé douloureux, vous êtes plus que vous ne le pensez, l’espoir de plusieurs peuples en dehors des vôtres. Le peuple de Guinée en fait partie.

Ce peuple qui, vous ne le savez peut-être pas assez, partage tous les moments de gloire, de joie ou de douleur de chaque peuple du monde, attend pacifiquement votre action commune et/ou personnelle. Ce peuple souhaite non pas la compassion. Il a besoin de la compréhension de vous qui forgez, plus que vos prédécesseurs, un nouveau monde de justice et de démocratie.

Enfin, c’est loin des tribunes politiques, qu’en tant que fils de Guinée j’ai pris l’initiative de vous transmettre l’appel à la justice d’un valeureux peuple. Le peuple de Guinée. Je vous prie de ne pas abandonner ce peuple au moment où vous en aidez d’autres qui ont subi un sort identique.

J’espère que ma modeste voix aura un écho favorable auprès des uns et des autres pour que justice soit faite.

 

Veuillez agréez, Mesdames, Messieurs, l’expression de ma très haute considération.


Lamarana Petty Diallo
Professeur de Lettres - Histoire à Orléans, France

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